Après m’être intéressé aux chiroptères (chauves-souris) et m’être équipé sérieusement, je commence à réaliser des enregistrements des sons pris sur le terrain.
Dans un premier temps je vais passer de manière très basique par l’enregistrement de la sortie HP de la batbox directement avec le micro de mon smartphone avec toutes les limites que représente bien entendu cette technique. Puis je vais acheter un Zoom H1 qui va me permettre de passer à une liaison câblée via les prises jack 3,5mm, mais toujours de faible qualité.
Je vais tout de même avec ce petit enregistreur numérique de base à m’amuser un peu plus.
Dans le courant de l’année 2019, un collègue de l’EMI m’envoie une vidéo de la BBC qui montre un audionaturaliste dans une chambre anéchoïque prendre le son que fait un escargot lorsqu’il mange une feuille de salade. Et là, c’est le déclic !
Je me lance donc le défi de réaliser la même prise de son, mais comment faire ? Le gars est l’un des audionaturaliste les plus connus dans le milieu. La prise de son a été réalisée dans une chambre « sourde » qui doit coûter pas loin du million d’euros, il possède un Nagra à plusieurs milliers d’euros également, tout cela semble inaccessible au petit amateur que je suis à l’époque. Par contre, après avoir zoomé sur la vidéo, il semble utiliser un bête micro-cravate.
En bon électronicien, je me lance donc à la recherche de la capsule la plus sensible possible avec un ratio signal sur bruit pas trop dégueulasse. Je tombe alors sur un revendeur français de matériel électronique qui met à disposition un tableau Excel de toutes les capsules existantes sur la base de multiples paramètres. Après avoir filtré sur les critères qui m’intéresse le plus, je tombe sur les capsules de la marque Primo au Texas. Puis, je trouve une boîte anglaise qui monte ces capsules sur des micros-cravates avec des connectiques jack ou XLR, et ce pour 60£ environ. Je commande donc le micro avec une capsule directionnelle montée sur un jack 3,5mm afin de pouvoir le connecter à mon Zoom.
Lors du confinement du printemps 2020, un samedi, je vais partir à la recherche d’un escargot sur les rives du Lac de Créteil. J’en trouve un pas très loin de chez moi que je place ensuite dans une petite boîte transparente avec de l’eau (toujours important), de l’herbe et de la salade. La pauvre bête reste prostrée une bonne journée se demandant sans doute ce qu’il lui arrive. Dans la matinée du dimanche, je m’aperçois qu’il est sorti de sa coquille et que même mieux que cela il s’est jeté sur la salade mise à sa disposition. Immédiatement, je coupe toutes les sources les plus bruyantes de mon appart (box et frigo notamment). Je ferme la porte-fenêtre qui donne sur le balcon ainsi que le rideau métallique pour couper au maximum les sons venant de l’extérieur (heureusement nous sommes tôt un dimanche matin avec de fait peu d’activités). Je branche le micro sur le Zoom qui était préconfiguré pour l’occasion et mets le casque sur mes oreilles. Je retire le couvercle, l’escargot est toujours sur la salade. J’approche le micro que j’avais rigidifié au préalable avec du scotch électrique au plus près et là… crunch… crunch… crunch !!!
Je fais plusieurs enregistrements de la scène que je copie immédiatement sur deux supports. Avant de passer à la postproduction, je pars relâcher mon cobaye à l’endroit même où je l’avais trouvé. Le son est propre, le traitement en post-prod est donc relativement léger pour ne pas altérer le rendu final.
Quelques mois avant, j’avais fait la connaissance de la Rédactrice en chef du Journal minimal à qui j’avais proposé de réaliser des prises de mini son (des sons que l’on n’entend pas habituellement ou auxquels on ne prête que peu d’attention) et qu’elle avait accepté. Le défi initial était bien en entendu de réaliser cette capsule sonore d’un escargot, mais j’allais au préalable me faire la main et perfectionner ma technique avec d’autres sources : moucherons, mousse de bière, raisin qui fermente, gouttes d’eau, etc, etc… Ces différents sons seront par la suite publiés sur le site du Journal minimal.
Pendant le confinement, plutôt agréablement surpris par le silence ambiant qui régnait alors sur la région parisienne, je vais lancer plusieurs projets, dont celui de réaliser une prise de son sur 24h. L’idée étant de laisser un enregistreur tourné pendant un peu plus d’une journée puis de ressortir pendant quelques dizaines de secondes un son caractéristique de l’heure à laquelle il a été enregistré. Mon idée à la base étant de comparer cette première série d’enregistrements avec d’autres pris lors d’évènement important.
J’ai fait plusieurs autres tentatives notamment le soir de la finale de la Coupe du Monde 2022 en espérant pouvoir enregistrer la fête qui suivrait la victoire française… mais, malheureusement non seulement nous avons perdu, et en plus les micros ont lâchés avec le froid à plusieurs reprises pendant les périodes nocturnes. Espérons que j’aurais d’autres occasions dans les prochaines années !
Pendant cette période je vais aussi m’équiper de manière plus sérieuse en acquérant un Zoom H4, puis une mixette Sound Device MixPre 3 ainsi que plusieurs micros pour la prise de voix, des micros appairés à petite membrane, un hydrophone, un micro canon, des +/- sensibles, etc… Dans le même temps, je vais me mettre au podcast narratif en enregistrant des capsules de quelques minutes tout en modifiant ma voix afin de tenir plusieurs rôles… mais finalement je me révèlerai être un piètre acteur !
Avec l’escargot je pensais avoir touché le Graal, mais j’allais ensuite me lancer un dernier défi. Une nuit de l’été 2020 qui avait été particulièrement chaud, j’étais en sortie pour enregistrer les chauves-souris. À un moment, j’aperçois sur une série de rambardes bordant le Lac de Créteil des toiles d’araignée avec leur occupante au centre de celles-ci. Comme j’avais pris mon H1 et le micro ultrasensible avec moi, je monte le tout puis me mets à titiller les petites bêtes à huit pattes. Parvenant difficilement à les suivre en fonction de la direction de fuite qu’elles prennent, je parviens deux ou trois fois à en suivre. Et là, je m’aperçois que j’entends les sons faits par les pattes de l’araignée sur les brins de toile qui leur permettent de se déplacer (les toiles alternent un fil de déplacement et un de capture des proies comprenant un peu plus de glu). Cela fait un peu comme un post-it que l’on retire de son support.
Je parviens à réaliser plusieurs enregistrements qui ne me semblent pas trop mal. Mais en passant en mode postproduction impossible de ressortir les fréquences intéressantes du bruit de fond ambiant pour les rendre plus audibles et agréables à entendre. En tout cas sans trop les altérer. Je repasse donc en mode recherche de techniques pour parvenir à réaliser cette prise de son très particulière.
Finalement, je vais découvrir l’échantillonnent en 32 bits qui normalement permet d’enregistrer sans se soucier des éventuelles distorsions liées à un gain trop important. On peut ainsi en postproduction abaisser ces moments écrêtés pour les rendre audibles à nouveau. Mais je me dis alors que l’on devrait pouvoir effectuer l’opération inverse et obtenir suffisamment de dynamique sur un son faible afin de le faire ressortir du bruit de fond ambiant. Même de seulement quelques dB qui se révèleront malgré tout suffisant pour pouvoir traiter ensuite le son de manière la plus propre possible. À l’époque il y a encore peu d’enregistreurs 32 bits, je me tourne donc vers la mixette Sound Device à laquelle j’ajoute également un plugin de traitement spécifique pour retirer un maximum de son ambiant. Ça coûte une petite blinde, mais je me dis que cela peut en valoir le coût.
Finalement je vais parvenir à l’été 2021 cette prise de son, non pas sur Paris, car il reste malgré tout toujours un bruit de fond trop important, mais à la campagne chez mes parents, un dimanche matin où il y a moins de circulation aussi. Après cela je ne vois pas quoi prendre de plus faible encore !