Enfant, j’adorais déjà observer le monde qui m’entourait. Quand il y en avait encore, je passais de longs moments à contempler les monticules construits dans le jardin de mes parents par des colonies de fourmis. Leur capacité à s’organiser lorsque j’en détruisais sadiquement le sommet et qu’elles se mettaient ainsi à tout rebâtir me fascinait. Je passais aussi de longues soirées d’été la tête dans les étoiles en cherchant à repérer les différentes constellations et les astres de référence.

Plus tard, je passerai l’une de mes plus belles nuits d’observation lors d’un embarquement sur la Loire, un des bâtiments de soutien de la Marine nationale, en 1994 ou 95. Nous naviguions alors au large de l’Afrique à destination de Dakar, sans aucune pollution atmosphérique et lumineuse. L’ensemble de la voute céleste, et plus particulièrement la Voie lactée, étaient par conséquent totalement visibles.

Il y a une dizaine d’années, alors que nous organisions un barbecue familial chez mes parents, je vis soudainement quelque chose passer à quelques mètres au-dessus de nous. La nuit était magnifique et nos deux voisins contigus étaient aussi en mode soirée et fête. Et les mystérieuses apparitions ne cessaient de faire des allers-retours entre les trois pavillons. Vu l’heure déjà tardive, il devait être plus de 23 heures, cela n’était donc pas des oiseaux, mais sans doute des chauves-souris. Je me demandais alors comment pouvoir les « observer », voire en distinguer l’espèce.

Le lendemain, je partis à la recherche d’informations et découvris le monde fascinant des ultrasons, émis par les chiroptères via leurs cris d’écholocation. Pour cela il me fallait donc une batbox, mais plusieurs types existaient avec trois technologies propres et des prix s’étalant d’une centaine à plusieurs milliers d’euros. Finalement, j’en commandais un des modèles de base, la batbox Baton, à un peu plus de cent euros et basée sur la division de fréquence, technologie la moins efficace, mais suffisante pour découvrir ce milieu inaudible avant d’investir dans des modèles plus coûteux. Division de fréquence signifie tout simplement qu’un micro à ultrasons capte les écholocations puis un circuit électronique en divise les fréquences par 10. Ainsi un cri débutant à 98 kHz et se terminant à 48 (typique des pipistrelles) reviendra dans l’audible avec un signal entre 9,8 et 4,8 kHz (voir schéma ci-dessous). Le problème réside que bien que traitant l’intégralité du signal initial, son amplitude se trouve également divisée par 10 et ne permet donc pas de distinguer l’espèce « écoutée ».

L’année suivante, j’acquis une seconde batbox hétérodyne à 300 euros. Hétérodyne signifie qu’on règle l’appareil sur une fréquence, celle dite de base, là où l’écholocation est la plus puissante, qui est ensuite retranchée au signal capté pour devenir audible. C’est le même principe que pour les radios à modulation d’amplitude où le circuit électronique va retirer la fréquence de la porteuse pour ne conserver que la voix ou la musique. À la différence qu’en radio le filtre est plus précis alors que sur une batbox on va conserver environ +/- 8 kHz de part et d’autre de la fréquence indiquée. On peut ainsi mieux définir l’espèce présente, chacune d’elles ayant une fréquence de base spécifique (environ 48/50 kHz pour les pipistrelles par ex., l’espèce la plus présente dans nos contrées).

Puis, plus tard, je sautais le pas du capteur à expansion de temps (aux alentours de 500 euros, quand on aime on ne compte pas) qui lui se connecte en USB à un ordinateur ou un smartphone puis les cris d’écholocation deviennent alors visibles (et donc non audible) via un traitement logiciel qui va « étendre » le temps, par dix environ.

Cette passion alliait observation de la nature, découvertes de principes scientifiques et utilisation d’une technologie de pointe, allait ainsi me diriger vers la prise de son et le traitement sonore, de manière plus large…